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Le journal d'un vagabond
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25 janvier 2005

Je suis de nouveau sur la route depuis ce matin.

    Je suis de nouveau sur la route depuis ce matin. Il faut à tout prix que je descende vers le sud; je me souviens de ces journées chez Maria comme d'un intermède lumineux dans la noirceur du monde. Il ne fallait pas gâter cette bénédiction en restant trop longtemps chez elle mais avec le bitume luisant, l'humidité et le froid, je retouve ma vieille mélancolie. L'homme avance avec courage et détermination tant qu'il a le sentiment d'être sur le bon chemin; mais, au contraire, lorsqu'il s'est perdu, lorsqu'il ne sait plus dans quelle direction tourner ses pas, il sent l'accablement, la fatigue et le découragement l'envahir. Il est incroyable de songer à quel point ce qui pouvait  paraître évident, couler de source ou aller de soi quelques mois plus tôt devenait tellement absurde, insensé, incompréhensible. Une idée, une toute petite peut éclairer la route sur des milliers de kilomètres et quand cette étincelle faiblit, chaque pas peut devenir un calvaire.

   Je sais que tant que cette petite lumière ne brillera pas à nouveau, le chemin de croix continuera. Tout ce qui se passe bien paraîtra dérisoire et tout ce qui va mal grossira et enflera comme dans un miroir déformant de fête foraine. Je ne peux pas croire que tout puisse être remis en question en si peu de temps, que les perspectives de tout ce qui nous entoure puissent se gauchir aussi brutalement. Je le sais pourtant que tout cela n'est qu'illusion, que tout cela n'est qu'un jeu de dûpes. Il y a quelques mois, je pensais avoir compris où se trouvait la vérité, la vie, l'authenticité. Je croyais être guéri des miroirs aux alouettes, des doreurs de pilule, je pensais avoir trouvé ma voie, être sur le bon chemin, convaincu que mon existence avait un sens... Et aujourd'hui, tous ces décors réconfortants se sont effondrés comme des paravents en trompe-l'oeil et les arbres, les chats, les chiens, les oiseaux et les passants ricanent sur mon passage. Regardez, semblent-ils dire, ce pauvre hère qui n'a nul endroit où aller... Comme il est triste de rencontrer des êtres aussi démunis. Vic serait bien restée au coin du feu, elle aussi : elle me regardait souvent avec ses grands yeux tristes comme pour me dire : mais tu sais, je suis quand même contente de trottiner à tes côtés... Tu es mon maître et c'est mon devoir de te suivre où que tu ailles...  Oui, et je songe aussitôt, parce que les idées quand elles s'y mettent font souffrir plus que des lames aiguisées, de te suivre où que tu ailles même quand tu ne sais plus toi-même où aller! Si encore tu étais tout seul... Mais tu l'entraînes dans ta misère, dans le froid, dans des journées sans feu et sans pain!

    C'est en ruminant ces idées noires que j'ai rejoint la Nationale 1:  nous sommes quelque part entre Miranda de Ebro et Burgos. Je m'accroche désespérément à l'idée que je me sentirai mieux plus au sud. Ici c'est montagneux tout autour et le brouillard est particulièrement glacial avec cette petite bise aigre qui me mord les mains. Il faut pourtant que je tende le pouce. Pendant une bonne heure, les poids-lourds m'ont frôlé à pleine vitesse comme des monstres furieux et aveugles, sans même ralentir un tant soit peu. Et puis, Ô miracle ! Il y en a un qui a daigné s'arrêter : un très gros semi-remorque bâché... Ne croyez pas que ce soit un handicap de faire du stop avec un chien : au contraire... Les routiers qui aiment les cleps s'arrêtent plus volontiers. Et puis, faut dire que Vic a une tellement bonne bouille!

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